Aujourd’hui nous retrouvons Fahmi Rekik, traducteur de métier pour un article dédié à l’Arabizi.
Fahmi est Franco-Tunisien. Après un Bac L il a suivi des études de maitrise en langue et littérature allemande à l’institut supérieur des langues de Tunis. C’est donc tout naturellement qu’il est devenu rédacteur quadrilingue puis traducteur.
Fahmi est un fervent défenseur de la langue et culture arabes, de la francophonie dans les pays arabe et de l’arabe « Maghrébin » très influencé par les liens entre la France et les pays du Maghreb.
Fahmi est donc la personne idéale, pour nous expliquer ce qu’est l’arabizi.
Bonjour Fahmi. Alors, qu’est-ce que l’arabizi ?
2haln w mar7ban, loin des définitions conventionnelles qui considèrent l’arabizi comme terme issu de la fusion des deux mots arabi (arabe) et inglizi (anglais) ou de arabi et easy (facile), l’arabizi est une forme d’écriture réinventée voire rebelle totalement différente de celle de l’écrit normatif ou standard. Il s’agit donc d’un phénomène linguistique basé sur la translittération ou l’écriture en caractères latins de mots arabes, qui a réussi en quelques sortes à un instaurer un nouvel alphabet de tchat, qui a donné, à son tour, naissance à un argot propre à une communauté utilisant l’arabe dans sa communication via la messagerie instantanée.
Ce phénomène consiste principalement à reproduire certains graphèmes d’une façon symétrique ou presque à la lettre à laquelle ils correspondent. Par exemple, on utilise le chiffre « 3 » pour transcrire la lettre « ع » et de la même façon le chiffre « 7 » pour illustrer la lettre « ح » ainsi de suite.
A noter que l’arabizi même s’il a apparu principalement dans les pays du Golfe puisqu’ils sont les premiers consommateurs de la technologie occidentale, il peut évoluer en fonction des dialectes parlés par les utilisateurs, d’ailleurs dans les pays du Maghreb notamment en Tunisie, en Algérie et au Maroc on parle du mu’arrab ou du franco-arabe.
L’arabizi, mode passagère ou phénomène durable ?
Pour répondre à cette question il faut qu’on fasse un pas en arrière pour trouver l’origine et les raisons derrière l’apparition de ce phénomène à la fois linguistique et social. Il s’agit d’une forme écrite de l’arabe née à la suite du développement des appareils téléphoniques fin des années 90 et de l’internet domestiqué durant les années 2000 : au début, les ordis et les téléphones portables n’avaient pas de clavier arabe. Les internautes arabophones ont donc transposé l’alphabet arabe en alphabet latin et puisque dans les langues « occidentales » il n’y a pas forcément l’équivalent de plusieurs sons, ils ont utilisé les chiffres pour remplacer ces sons manquants. Avec le temps les appareils électroniques ont connu beaucoup d’évolutions et aujourd’hui les claviers arabes sont présents sur quasiment tous les appareils. Cependant même avec ces nouveaux claviers le « clavardage » en utilisant l’arabizi est non seulement resté le moyen préféré des jeunes internautes , mais il commence aussi à gagner du terrain notamment chez les moins jeunes. Je pense donc que l’arabizi continuera à se développer en parallèle avec l’évolution numérique.
L’arabizi est-ce une anglicisation de l’arabe ?
L’anglicisation est tout un concept qui renvoie à un ensemble de mesures politiques et culturelles destinées à promouvoir la langue et l’identité anglo-saxonne. L’arabizi aujourd’hui ne touche qu’une partie très restreinte de la langue arabe si cela ne concerne que les dialectes de langue arabe, de plus il est utilisé par une petite communauté et encore sur internet ou via les systèmes de messagerie instantanée. A ce niveau, je pense que l’arabizi n’est qu’une tentative d’ouverture à la fois sur la culture occidentale anglo-saxonne / francophone et sur le progrès technologique, mais avant tout sur un jargon très « trendy » adopté par les jeunes internautes.
Qui communique en arabizi ?
L’arabizi est un nouvel argot écrit utilisé principalement pour communiquer sur les réseaux sociaux ou sur les applications de tchat qu’on connait de nos jours. Ce phénomène linguistique très proche du franglais en France, est très répandu chez les jeunes internautes (collégiens, lycéens, étudiants, jeunes entrepreneurs etc.), mais il commence à gagner du terrain chez d’autres catégories d’utilisateurs notamment chez des « papis/mamies branchés(es)/ connectés(es) parfois avec une touche de néologisme qui lui donne ce côté drôle et rigolo. Entre autres, on peut citer quelques créations de mots « cansilt : « كانسيلت » » qui signifie « I cancelled » ou « annulit : » أنّيليت » » qui signifie « j’ai annulé », « fayyelt », « téléchargit », etc.
Arabe littéraire versus arabizi : est-ce qu’il y a un choc des populations ?
Entre l’arabe littéraire, langue officielle, qui n’accepte pas encore trop l’idée du plurilinguisme et considéré comme peu ouvert sur la modernité, et l’arabizi qui est une forme d’écriture rebelle et très en phase avec la nouvelle société mondiale mais considérée comme langue mineure, la réponse à cette question s’avère difficile pour l’instant. Disons plutôt qu’il s’agit d’un signe de rébellion contre un monde ancien.
Est-ce que l’arabizi représente un danger pour l’avenir de l’arabe littéraire ?
Aujourd’hui, l’arabe littéraire est la seule et unique langue enseignée dans les écoles et les instituts du monde entier. C’est aussi la langue du Coran, des poètes, des écrivains, des philosophes, de l’ONU, des médias, des administrations et même des traductions. L’arabizi est pratiquement limité à la partie tchat. D’un point de vue linguistique, l’arabizi est encore loin d’être capable de détrôner l’arabe littéraire.
Utilises-tu l’arabizi ?
Oui, évidement j’utilise l’arabizi dans toutes mes conversations informelles par SMS, sur Messenger, WhatsApp, que ce soit avec mes connaissances au Maghreb ou venant du MO et des pays du Golfe. Je l’utilise également pour « poster » sur Facebook, Instagram ou autres dans un cadre non professionnel.
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