Bonjour Georgie. Peux-tu nous dire quelle est ton activité professionnelle ?
Je travaille en tant que traductrice indépendante, et traduis du français et de l’espagnol vers l’anglais.
Quelles études as-tu faites ? Pourquoi as-tu appris le français ?
À l’école primaire, nous avons commencé le français à l’âge de huit ans. Parmi les premiers mots que nous avons appris figurait l’expression « pain au chocolat ». Comme je vis en Aquitaine j’ai dû revoir ma copie !… J’adorais apprendre des chansons en français comme « Sur le Pont d’Avignon », et les langues, l’anglais et la littérature anglaise ont toujours été mes matières préférées et pour lesquelles j’avais le plus de facilités.
Lorsqu’il s’est agi de choisir ma voie à l’université, j’étais très intéressée par les sciences politiques, la philosophie et l’anglais mais je n’imaginais pas renoncer à étudier les langues étrangères et j’ai décidé de faire des études de commerce international et de langues à l’Université Heriot Watt. Lorsque j’ai commencé mes études, j’ai découvert que Heriot Watt était l’une des meilleures universités pour l’interprétation et la traduction et j’ai décidé de changer de voie. Ainsi j’ai pu continuer à étudier les deux langues et j’ai passé 6 mois en Espagne et 6 mois en France ; cela m’a permis de mettre mes connaissances en pratique…
Comment t’es venue l’idée de devenir traductrice indépendante ?
Pendant ma première année à l’université, j’ai eu la chance de décrocher un travail mi-temps à la Scotch Whisky Experience. Il s’agit de l’une des attractions touristiques majeures à Edimbourg, tout près du château, et elle attire les visiteurs du monde entier, ce qui fait que je faisais régulièrement des visites en français et espagnol. Ensuite j’ai également animé des dégustations le soir en français et espagnol et participé aux dégustations de mes collègues, en travaillant comme interprète de liaison. Lorsque des amis et des amis de collègues ont commencé à m’envoyer des travaux de traduction et à me demander de les accompagner en voyages d’affaires et à des salons professionnels à l’étranger, j’ai rapidement compris que je pouvais envisager la traduction en tant que carrière. Je me suis renseignée pour savoir comment m’installer en tant qu’indépendante, j’ai fait imprimer des cartes de visites et fait savoir que j’avais lancé mon activité. Au cours des cinq premières années, j’ai travaillé exclusivement pour des clients directs. Comme j’étais encore étudiante et que je travaillais dans le domaine du whisky et du vin, je n’aurais pas pu être disponible pour travailler pour des agences, ne pouvant garantir la réactivité demandée.
Qui sont tes clients (secteurs d’activité) ?
Je me suis vraiment passionnée pour le whisky au Scotch Whisky Heritage Centre, et ai rapidement appris à préférer la qualité à la quantité et ai donc décidé de me focaliser sur tout ce qui concernait la nourriture et les boissons, en continuant à animer des dégustations privées et en travaillant dans divers vignobles en France et en Espagne, à la Scotch Whisky Society à Edimbourg et chez Whyte & Mackay à Londres, et même dans un élevage de chèvres en Belgique où j’ai appris à faire des fromages de chèvre bio ; c’est pourquoi mes clients principaux travaillent dans l’agro-alimentaire.
En outre, comme j’ai également choisi le commerce et la gestion ainsi que la finance et l’économie en tant que cours facultatifs à Heriot Watt, je traduis beaucoup de communications internes, de rapports et de documents marketing pour des clients dans différents secteurs d’activité, de l’aéronautique au bien-être.
Lorsque je ne travaille pas, soit je fais du sport (mal) ou j’essaie de lire des livre ou des magazines tout en regardant des films ou des documentaires, c’est pourquoi je suis ravie de travailler également sur des projets qui concernent mes autres centres d’intérêt comme les sports de glisse, l’art, l’architecture, le cinéma, les documentaires et le tourisme.
Comment se déroule une traduction ?
Ce qui est le plus important, c’est de prendre le temps d’examiner le document à traduire avant de de l’accepter pour vérifier que je pourrai le traduire en fournissant la meilleure qualité.
Lorsque j’ai accepté le projet, je relis encore une fois le document en notant la terminologie ou les concepts que je dois approfondir. Ensuite j’examine d’autres documents en anglais qui ont été rédigés par le client ou des clients similaires, ainsi que d’autres documents originaux du client pour appréhender les tournures, et puis j’examine la terminologie et les concepts dans les deux langues.
Ensuite je fais un premier jet de la traduction. Pendant ce premier jet, tout en traduisant, je réfléchis aux problèmes rencontrés et aux moyens de les résoudre et également à la manière de relayer le message et la « voix » du client aussi précisément que possible.
Je fais ensuite une deuxième passe sur la traduction qui est alors en général bonne pour publication. J’aime bien mettre cette version en attente le plus longtemps possible avant de la reprendre d’un œil neuf, en la retravaillant et en vérifiant qu’il n’y a pas de contresens.
Ensuite je fais une vérification pour ce qui est des erreurs de frappe, au moins deux ou trois fois.
Avant de l’envoyer au client je relis une dernière fois pour m’assurer que je suis satisfaite, et si je fais des changements, je relis encore une fois.
Les différences culturelles entre français et britannique donnent-elles du fil à retordre pour la traduction ?
Oui, en effet ! Le français et l’anglais semblent très similaires mais nous avons en fait des manières différentes de nous exprimer et des coutumes et pratiques très différentes. Même la rédaction des emails est différente : en français, par exemple, il est usuel de commencer un email par « Bonjour », alors que commencer un email en anglais avec un simple « Hello » sans nom derrière donne une tonalité très relax et familière.
Je pense également que l’humour français est quelque peu plus grivois. J’ai vu un certain nombre de blagues osées dans des documents français qui ne seraient absolument pas appréciées par les Britanniques.
Est-ce que tu notes une évolution du type de projets de tes clients ?
Les clients semblent demander la traduction de volumes de plus en plus importants. Plutôt que faire traduire un email ou un communiqué de presse spécifiques, ils souhaitent localiser tout leur système, que ce soit leur site internet, leurs processus de RH et tout le reste. Ils semblent également avoir une bien meilleure compréhension de ce que la traduction implique. Il est beaucoup plus fréquent maintenant que le client final comprenne que transposer la signification, l’intention et les références culturelles dans un texte n’est pas aussi aisé que simplement recopier les mots verbatim.
Les clients semblent de plus en plus pouvoir prévoir quels seront les points de blocage en matière de terminologie, ils fournissent des documents de référence, comprennent comment les outils de TAO fonctionnent et ont parfois leurs propres chefs de projets et outils de traduction.
Qu’est-ce qui est difficile dans ton métier, mais également, qu’est-ce que tu aimes le plus ?
C’est parfois dur de devoir travailler toute seule toute la journée. Je sais que c’est un dilemme pour de nombreux traducteurs : il nous faut un environnement calme pour pouvoir nous concentrer sur notre travail sans distractions et rester dans le rythme, mais nous sommes également des personnes curieuses de tout et qui aimons échanger ! Je préfère travailler dans le silence et le chaos organisé de mon bureau que dans un espace de coworking, mais je fais en sorte de parler avec d’autres personnes pendant la journée, d’aller prendre un café avec des amis, et de temps en temps je travaille dans un café avec des collègues ou même dans le salon de la salle de sport.
Ceci dit, nous sommes seulement isolés physiquement ; un des aspects que j’aime dans ce métier est que nous apprenons à connaître les chefs de projet et les clients, à comprendre comment ils travaillent et leurs différents secteurs d’activité et approches. J’apprécie beaucoup de voir comment évoluent les entreprises, que ce soit grâce aux documents sur lesquels je travaille ou de par mes recherches personnelles. Il est agréable de faire partie de ce qui semble être une équipe très vaste, très variée et très peu conventionnelle.
Est-ce que tu penses que le métier de traducteur est un métier d’avenir ?
Certainement. On produit de plus en plus de contenu pour l’international chaque jour. En outre, autant les traductions d’entrée de gamme sont plus accessibles, autant il est important pour les entreprises, plus haut dans la chaîne, d’améliorer la qualité de leurs contenus destinés à l’international pour pouvoir se démarquer et se développer. Si certains pensent que le marché est saturé, je ne peux pas imaginer le nombre de nouveaux traducteurs entrant sur le marché dépasser la quantité de nouveaux contenus qui sont produits.
De nombreuses personnes hésitent également du fait de la menace présentée par la traduction automatique, mais je pense qu’il s’agit là d’une illusion. Il y a quelque chose de personnel dans la parole écrite et ceci est important dans tous les domaines, que ce soient les communications internes de RH, les descriptifs de dégustations, les rapports financiers ou manuels utilisateurs. Nous avons besoin de ce contact humain. Et lorsqu’il s’agit de marketing, il est si difficile de capter l’attention d’un public qu’il est vital que le contenu soit vraiment, vraiment précis et naturel. Traduire c’est prendre en compte le contexte et ce sera une vraie prouesse lorsque la machine sera capable de rivaliser avec la capacité d’un être humain à stocker et interpréter un contexte.
Quels conseils pourrais-tu donner à quelqu’un qui souhaiterait s’orienter vers les métiers de la traduction ?
S’informer au maximum concernant les nombreux métiers et opportunités différentes qui existent dans ce domaine, se fixer des tâches et des scénarios, les essayer et déterminer ce que vous en pensez en pratique. Parler avec des personnes qui connaissent ce métier, aller à des salons, discuter avec toutes les personnes que vous connaissez de leur travail, en particulier celles qui travaillent en dehors de la traduction, les écouter et réfléchir à la façon dont cela pourrait concerner le poste qui vous intéresse. Il ne faut pas avoir peur d’être tout à fait honnête en ce qui concerne votre carrière jusqu’à présent ainsi que sur vos compétences et expertise, et de poser toutes les questions qui vous viennent à l’esprit. Notre métier repose littéralement sur une communication claire.
Souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Je vous remercie de m’avoir demandé de partager les différents aspects de la vie d’une traductrice indépendante ! Puissions-nous continuer à travailler ensemble encore de nombreuses années avec autant de succès !