Le capital-risque au Brésil : les premiers jours d’un écosystème prometteur
Nous vous proposons aujourd’hui une traduction en français du résumé d’une étude très intéressante menée par MIT Sloan Management et G-LAB (Global Entrepreneur Lab). Vous pouvez la parcourir en suivant ce lien « Brazil VC Ecosystem Study » (Etude de l’écosystème de financement des entreprises et startups au Brésil). Le Brésil étant aujourd’hui au centre de nombreux enjeux économiques et à la veille de grands rendez-vous mondialement exposés (Coupe du Monde de Football en 2014, Copa America en 2015, Jeux Olympique en 2016…), nous avons pensé que ce sujet intéressait de nombreux entrepreneurs. L’indicateur que nous suivons de notre côté est la hausse des demandes de traductions vers le brésilien. Des demandes en hausse depuis plus d’un an, ce qui en dit long sur l’attrait actuel suscité par ce pays.
Résumé de la synthèse de l’étude
L’écosystème du capital-risque au Brésil est naissant et évolue rapidement. Alors que le gouvernement brésilien et quelques sociétés investissent dans le secteur de la technologie depuis des dizaines d’années, le « modèle Silicon Valley » de fonds privés de capital-risque concentrés sur les modèles économiques basés sur le web n’a émergé qu’au cours des dernières années. Les derniers 18-24 mois ont vu un fort développement des investissements et activités connexes.
En 2012, au moins 50 sociétés ont été à la source d’environ 80 investissements dans les start-ups, ce qui représente une nette augmentation par rapport aux années précédentes, et au moins deux fonds axés sur le Brésil représentant ~260M$ en AUM (actifs moyens sous gestion) ont été créés. Parmi les participants, on peut notamment trouver des sociétés en nom collectif étrangères qui investissent de manière sélective à partir de fonds internationaux, quelques sociétés en nom collectif américaines/européennes qui ont affecté des ressources localement, et un petit nombre croissant de fonds brésiliens et de « grands business angels ». Un jeune réseau « d’agents facilitant » et une hausse marquée de l’investissement d’angels » montrent l’enthousiasme de l’écosystème.
Les capitaux investis récemment proviennent principalement de sociétés en commandite à l’étranger qui ont tendance à autoriser une plus grande autonomie que leurs homologues brésiliens aux sociétés en nom collectif dans les décisions concernant les investissements. Le gouvernement brésilien reste une société en commandite importante pour de nombreux fonds domestiques, surtout pour ceux qui se concentrent sur les technologies matérielles. Toutefois, l’idée de capital-risque commence à plaire à d’autres sociétés en commandite brésiliennes. En effet, le niveau de conscience et de connaissance du sujet a nettement évolué et les retours sur revenus fixes restent limités.
La convergence de la connectivité et de la consommation : un marché potentiel important à maîtriser
Ces investisseurs et les entrepreneurs qu’ils soutiennent sont attirés par le Brésil grâce à la confluence remarquable de tendances démographiques, économiques et technologiques sur le long terme, ce qui forme un marché potentiel très attractif pour les entreprises basées sur le web. Avec une culture de consommation, une classe moyenne en plein essor, une masse critique d’utilisateurs numériques très engagés et un fort potentiel de croissance de la pénétration du haut débit et des smartphones, l’avant-garde considère que l’environnement est mûr pour la naissance de géants internet. Le stimulus et les investissements associés à la Coupe du monde en 2014 et aux Jeux olympiques en 2016 ne sont pas nécessairement liés à des stratégies d’investissement, mais ne nuisent en rien à la prise de conscience des investisseurs et à leur capacité de lever des fonds pour le Brésil.
Plus que l’e-commerce et les « mee-too ».
La vague actuelle d’investissement a ciblé des modèles d’activité éprouvés appliqués au contexte brésilien, en particulier l’e-commerce, les places de marché, le voyage et les médias numériques. Dans un futur proche, les évolutions porteront sur des modèles d’activité uniques, destinés au Brésil, et potentiellement graduellement au reste du monde, tandis que les investisseurs deviendront plus à l’aise dans leur prise de risque concernant certains business modèle, et que l’évolution des fondamentaux compétitifs des secteurs tel que l’e-commerce réduiront les incitatifs des investisseurs.
La grande interrogation : les opportunités de sortie
Avec des précédents limités de sorties réussies et des obstacles conséquents aux introductions en bourse dans la pays, l’hypothèse principale sous-jacente aux récents investissements est une anticipation d’une vague de fusions/acquisitions à venir, tirée par les échanges internationaux, qui aura pour conséquence l’arrivée de liquidités. Une série de sorties réussies au cours des prochaines années alimenterait un cercle vertueux pour l’écosystème en cours de formation. La présence de sociétés et d’entrepreneurs de premier plan renforcerait l’ouverture culturelle graduelle sur l’entrepreneuriat des meilleurs talents brésiliens, entrainant ainsi l’émergence de nouveaux entrepreneurs. Une fois la preuve apportée du niveau des retours sur investissement, les capitaux, étrangers ou domestiques, seront de plus en plus nombreux à rejoindre l’écosystème.
Si cette vague de sortie ne se matérialise pas sur le moyen terme, la génération actuelle de sociétés de gestion ne pourra pas justifier ses niveaux de valorisations actuelles. Il est probable que l’écosystème stagnerait, puisque les fonds étrangers de capital-risque redirigeraient leur argent jusqu’à ce que les changements structurels catalysent l’intérêt renouvelé des investisseurs et puissent potentiellement récompenser ceux qui sont véritablement engagés sur le long terme.
Tensions locales : stabilité ébranlée de l’écosystème, mise à profit de la compétition pour certains
En plus de l’incertitude en ce qui concerne les sorties, le groupe actuel des entreprises high-tech et leurs investisseurs doivent faire face à des obstacles dûs aux institutions locales et aux facteurs environnementaux. Au Brésil, les startups sont confrontées à des régimes fiscaux complexes et prohibitifs, un cadre réglementaire restrictif pour les sociétés, une rigidité extrême du marché du travail, et une bureaucratie étouffante.
Ces types d’obstacles structurels ébranlent la stabilité de l’écosystème, et selon des sondages menés au sein des sociétés en commandite, représentent un facteur dissuasif pour les nouveaux investissements dans des marchés émergents. Ironiquement, c’est la capacité à naviguer et à résoudre ces problèmes et d’autres tensions locales qui donne justement un avantage compétitif aux startups brésiliennes face aux nouveaux entrants étrangers. Ceci explique pourquoi les sociétés en nom collectif brésiliennes sont très recherchées comme co-investisseurs et « guides » par les investisseurs étrangers. Si ces contraintes structurelles, surtout le manque d’accès à un important marché domestique de capitaux, ne sont pas mises à l’étude et des solutions trouvées, la probabilité que le Brésil puisse rejoindre les rangs des foyers locaux de capital-risque restera faible.
Prospective : l’engouement est-il justifié ?
En regardant vers le futur, l’opinion majoritaire, qui est également la nôtre, est la suivante : tandis que le marché est effervescent, un groupe élu de nouvelles activités émergeant de l’écosystème actuel s’adaptera pour capitaliser sur les tendances technologiques et démographiques du brésil prévues sur le long terme. Ces sociétés effectueront des sorties, soit par des acquisitions sur un plan international, des stratégies de consolidations sectorielles sur le marché local, ou de possibles introductions en bourse à l’étranger.
Au moment de ces sorties, des nouveaux capitaux étrangers intègreront le marché, principalement à partir de fonds internationaux. Toutefois, les contraintes institutionnelles et structurelles actuelles de l’écosystème resteront en place. Ces contraintes, tout en renforçant la position des sociétés locales qui s’adaptent au contexte brésilien, perpétueront la fragilité du modèle de capital-risque au Brésil.