Chez TradOnline, nous travaillons dans une rue ou fleurissent une multitude de petits commerces. Deux couturières se sont installées il y a peu dans cette rue, et c’est en discutant avec l’une d’elles que nous avons eu un flash : nos activités présentent des similitudes flagrantes !
Quelles leçons tirer de l’expérience de notre voisine couturière ?
Notre voisine couturière exerce un très beau métier manuel. Non seulement elle est couturière, mais surtout, c’est une très bonne couturière ! Sous ses doigts, le plus banal des tissus peut se transformer en une splendide chemise cintrée ou une fabuleuse robe de mariée.
Malgré toutes ses qualités, elle est néanmoins confrontée à plusieurs défis, entre son commerce qui est mis à mal par des produits bon marché provenant de l’étranger, ou le fait que les gens préfèrent aller s’habiller dans les grandes enseignes.
Malgré tout, grâce à ses nombreuses années d’expérience, notre couturière bien-aimée est une mine d’informations en matière de commerce. Dans cet article, je vais vous expliquer en cinq points ce que le travail d’une agence de traduction peut avoir en commun avec l’expérience d’un artisan dont l’entreprise pourrait disparaître au profit de nouveaux modèles industriels.
Leçon n° 1 : Parce que vous le valez bien
Tout comme en traduction, le marché de la confection sur-mesure est la cible des pressions croissantes des progrès technologiques et de la mondialisation. À l’heure où les vêtements sont fabriqués à la chaîne dans des pays où les salaires sont très faibles, il est assez mal compris de demander un tarif raisonnable pour des produits fabriqués sur-mesure, et vous devez expliquer à chaque client potentiel les raisons pour lesquelles vos produits sont si « chers ».
En ce qui concerne la traduction, certaines agences se sont implantées dans des pays comme l’Inde afin de proposer des tarifs attractifs, mais cela ne leur réussit pas toujours. La qualité des travaux est parfois moins bonne et les clients ne s’y retrouvent pas forcément.
Pour pouvoir rester compétitive, ma voisine devrait donc baisser considérablement ses tarifs, mais cela aurait au final un effet négatif car elle ne pourrait ni rivaliser avec les équipements modernes de production de masse utilisés à l’étranger, ni gagner suffisamment pour se dégager un salaire.
Ce que l’on peut en conclure ici c’est que malgré la conjoncture, baisser ses tarifs au maximum n’est pas une solution. Nos tarifs sont justifiés car ils reflètent notre expérience, nos connaissances, nos charges et nos investissements. Garder des tarifs raisonnables nous fait parfois perdre des prospects, mais les clients qui savent reconnaître la qualité de nos produits sont toujours prêts à payer pour et en apprécient chaque jour la juste valeur. Car en traduction comme dans la couture, le sur-mesure à un prix !
Leçon n° 2: L’expert, c’est vous
Notre voisine confectionne ses chefs d’œuvres sur des machines d’une complexité folle ; mais elle, elle sait s’en servir. C’est ça le secret : entre d’autres mains que celles de cette habile couturière, ces outils seraient inutiles. Le véritable trésor de notre voisine, ce ne sont pas les machines qu’elle utilise pour confectionner ses robes, costumes ou pantalons, mais sa tête et ses mains.
C’est exactement la même chose pour les agences de traduction. Nous utilisons des technologies incroyables telles que des outils de TAO qui peuvent calculer des répétitions partielles grâce à des algorithmes, des moteurs de traduction qui élaborent la meilleure phrase possible à partir de mots isolés dans des documents volumineux ou encore des outils de contrôle qualité qui comparent des résultats et créent des rapports. Mais au final c’est nous qui gérons ces outils et qui élaborons les traductions. On ne peut pas simplement utiliser nos outils d’un côté et livrer un texte traduit selon un ensemble de règles fixes d’un autre. Un outil de traduction assistée qui ne serait pas entre les mains expertes d’un traducteur ne serait d’aucune utilité.
Leçon n° 3 : Évoluer pour avancer
Depuis le premier jour où ma voisine a commencé sa carrière de couturière, elle a dû apprendre beaucoup de choses : les outils ont changé, différentes modes se sont succédé et les conditions des travailleurs indépendants ont été réformées par chaque gouvernement successif.
En plus de toutes les tâches qu’exige la création de produits de qualité en temps et en heure, il a fallu qu’elle sache s’adapter aux évolutions touchant les divers aspects de son travail.
En outre, la qualité des tissus n’est pas toujours identique, voire a baissé au fil des ans ; elle a donc dû changer ses méthodes afin de continuer à fournir le niveau de qualité qui lui était reconnu. Ne pas se mettre au goût du jour n’est même pas envisageable : cela se solderait par une baisse de qualité des produits, la perte de certains clients, voire par la fermeture de sa boutique faute de ne pas avoir su s’adapter aux nouvelles règles.
En tant qu’agence de traduction, si nous n’évoluons pas nous risquons de mourir à petit feu. Si nous n’adoptons pas les dernières innovations technologiques telles que les logiciels de traduction automatique ou si nous nous laissons déstabiliser par le climat politique actuel et l’issue des élections présidentielles, tôt ou tard nous nous ferons doubler par de nouveaux concurrents plus flexibles qui seront capables de délivrer les mêmes projets avec une qualité supérieure et des délais plus courts.
Et pour utiliser une métaphore, un mauvais tissu ne fait pas nécessairement un mauvais produit : tout dépend de ce que l’on en fait, un simple changement de méthode peut suffire.
Leçon n° 4 : On peut toujours trouver preneur
Il existera toujours un marché pour les produits faits main car il y aura toujours des acheteurs à la recherche d’objets qui racontent une histoire, malgré un prix plus élevé et des délais de fabrication plus longs.
Si un certain type de produit ne trouve plus d’acheteurs, il peut exister un marché pour une de ses variantes. Une certaine inventivité et la volonté de trouver des opportunités là où elles n’existent pas encore sont nécessaires afin de les débusquer. L’existence de ces nouveaux marchés ne saute pas toujours aux yeux et les trouver requiert parfois beaucoup de temps et d’efforts, mais si cela fonctionne cela prouve que notre entreprise mérite d’exister, simplement d’une autre manière.
Leçon n° 5 : Votre savoir-faire peut vous servir dans d’autres domaines
Viendra peut-être un moment où le commerce de ma voisine ne croulera plus sous les commandes. On espère toutes les deux que les couturières seront sollicitées pendant encore de nombreuses années. Néanmoins, au vu de la tendance actuelle et de l’incertitude générale, on ne peut pas exclure que ce ne soit plus le cas. C’est pourquoi ma voisine a élargi ses compétences.
Elle fera tout son possible pour que ça n’arrive pas, mais le jour où elle n’aura vraiment plus le choix, elle est prête à utiliser ses connaissances et ses outils de manière différente : elle pourrait par exemple trouver du travail dans le domaine de la décoration d’intérieur. Cela mobiliserait des compétences et probablement une méthode de travail différente, mais les connaissances et outils sont globalement identiques.
Je ne m’attends pas à ce que les agences de traduction disparaissent de si tôt, mais si notre métier devient obsolète il nous faut un plan B. Nos domaines de spécialité, nos connaissances en matière d’outils de TAO et de recherche de données peuvent s’avérer utiles s’il faut que l’on se reconvertisse.
Et je pense que dans cette optique la persévérance est une qualité indispensable.